Chaque debut d'annee, on rassure nos etudiants en leur disant que l'immersion n'est pas synonyme de noyade! Non! Il y a tous ces "mots transparents", ces fameux "cognates" dont il suffit d'integrer les schemas de difference de prononciation par rapport a l'anglais, et hop, c'est parti! Et pour les rassurer tout a fait, on leur sort le pourcentage (eleve!) de ces "cognates".
Est-ce que ma lecture du livre de Claude Hagege,
Le francais, Histoire d'un Combat, pour preparer mon "PhD comprehensive exam number 2" sur le theme "Langue et Nation", va modifier mon approche?
La these centrale de cet ouvrage est que le francais, apres avoir ete en lutte, au cours de son histoire, avec le latin et les idiomes regionaux, est maintenant en lutte avec l'anglo-americain qui, de par son hegemonie grandissante, menace non seulement le francais, mais aussi, partout, toutes les autres langues. Par consequent, pour Hagege, oeuvrer pour la sauvegarde du francais (en maintenant vivace le concept de francophonie), c'est oeuvrer pour la survie de toutes les langues, et pour la diversite en general.
A la page 115, il donne certains exemples autres que ceux qui viennent immediatement a l'esprit ("baladeur/walkman"...), et des exemples qui ne manquent pas d'interesser le pedagogue: il regrette ainsi l'utilisation croissante de mots francais "[...] employes [....] dans leur sens anglais, comme
approche (fait d'approcher),
opportunite (caractere de ce qui est opportun),
pratiquement (d'une maniere pratique),
realiser (rendre reel) [...], employes, respectivement, aux sens de "maniere d'aborder (un sujet) (
approach), "occasion" (
opportunity), "presque" (
practically), "se rendre compte" (
to realize) [...]. Il faut noter que les mots anglais sont souvent courts, ce qui favorise beaucoup leur penetration dans notre langue. Ainsi utilise-t-on volontiers
clip, scoop, spot, monosyllabes agiles, au lieu de
bande promo, exclusivite, message publicitaire".
Malgre cette concession apparente, Hagege s'insurge.
Bannir les approximations par rapport a un francais "pur" serait renoncer a l'immersion, donc a la methode communicative, qui fait pourtant ses preuves, tous les jours.
Non, je ne renoncerai donc pas a mon "approche"!
En revanche, il est utile, dans un second temps, d'informer les etudiants que "to realise" se dit "se rendre compte", "opportunity" "occasion", etc... Mais dans un second temps seulement. Et puis d'abord, qu'est-ce que ce concept de langue pure? (meme si Hagege, en derniere analyse, n'est pas un partisan de cette notion, cf. son interview bienveillante a l'egard de rappeurs en annexe du livre, son argument ne rend-il pas cette discussion inevitable?)